Société mère - employeur oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 20 octobre 1998

N° de pourvoi : 95-42531

Publié au bulletin

Rejet.

Président : M. Gélineau-Larrivet ., président

Rapporteur : M. Merlin., conseiller apporteur

Avocat général : M. de Caigny., avocat général

Avocats : Mme Luc-Thaler, M. Parmentier., avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu que M. X... a été engagé, suivant contrat de travail du 7 juin 1983 prenant effet le 1er juillet 1983, en qualité de cadre, par la société SCAC EPSEA en vue d’être détaché auprès de la Compagnie maritime zaïroise (CMZ) à Kinshasa et d’exercer les fonctions de directeur d’exploitation ; que dans un avenant signé le même jour, il est précisé que si la CMZ était amenée à mettre fin au détachement de M. X..., la société SCAC EPSEA rechercherait toute possibilité d’affectation au sein du groupe SCAC STI. correspondant à ses qualifications ; que la mission du salarié auprès de la CMZ ayant pris fin au mois de juin 1985, la société SCAC transport international lui a proposé, par lettre du 5 août 1985, un poste au sein de la compagnie Nigerbras au Nigéria lui précisant les conditions de son emploi et notamment qu’elles impliquaient la position de cadre du groupe détaché pour un temps à déterminer dans cette filiale ; qu’aux termes d’un contrat conclu le 19 septembre 1985 avec la société Nigerbras, M. X... a été nommé directeur général de cette société ; que la société Nigerbras l’ayant licencié le 30 novembre 1990 pour motif économique, M. X... a demandé en vain une nouvelle affectation au sein du groupe SCAC et a attrait la société SCAC devant la juridiction prud’homale en réclamant le paiement de salaires, de remboursement de frais de voyages et d’indemnités de rupture ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société SCAC fait grief à l’arrêt attaqué (Versailles, 21 mars 1995) de l’avoir condamnée à payer à M. X... des indemnités de préavis et de congés payés sur préavis, ainsi qu’une indemnité conventionnelle de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que la société SCAC ne peut assumer l’obligation dont il s’agit de la société SCAC EPSEA dite SCAMAR ; qu’en effet, cette obligation qui ne concernait que la cessation du détachement de M. X... auprès de la société zaïroise CMZ, a été exécutée et n’existe plus ; que l’admission par la cour d’appel de ce que l’obligation en cause peut jouer à l’occasion du licenciement de M. X... par la société Nigerbras, procède de la dénaturation de l’avenant n° 1 au contrat de travail passé le 7 juin 1983 entre M. X... et la société SCAC EPSEA SCAMAR, et de la violation de l’article 1134 du Code civil ; alors, encore, et en toute hypothèse, que la charge d’une obligation contractuelle souscrite par une société ne peut être imposée à une autre si les patrimoines de l’une et de l’autre sont confondus ; que les motifs de l’arrêt attaqué ne faisant nullement apparaître la confusion des patrimoines des sociétés SCAC EPSEA, dite SCAMAR et SCAC, la décision attaquée est entachée d’un défaut de base légale au regard des articles 1832 et suivants du Code civil ; et alors que, très subsidiairement, en admettant un instant qu’un employeur doive assumer les obligations contractuelles d’un précédent employeur, l’arrêt, dont les constatations ne caractérisent aucunement l’existence d’un contrat de travail entre la société SCAC et M. X... et ne caractérisent donc pas la qualité d’employeur de la société SCAC, devrait encore être censuré, pour violation de l’article L. 122-1 du Code du travail ; alors, en outre, que M. X... n’ayant jamais exercé d’activités pour la société SCAC (non plus que pour la société SCAC EPSEA, dite SCAMAR), ainsi qu’il résulte des constatations des juges du fond, l’arrêt attaqué ne pouvait sans violation de l’article L. 122-14-8 du Code du travail, le juger créancier de l’obligation posée par ce texte ; alors, au surplus, que la lettre du 5 août 1985 subordonnait la qualité de cadre détaché, et donc l’existence d’un engagement de M. X... par la société SCAC, à la passation d’un contrat dont la cour d’appel a constaté qu’il n’a jamais été passé ; que l’attribution à la société SCAC de la qualité d’employeur de M. X... procède de la dénaturation de la lettre du 5 août 1985 et de la violation de l’article 1134 du Code civil ; et alors, enfin, que l’article L. 122-14-8 du Code du travail, encore violé par la cour d’appel, ne peut jouer lorsqu’un salarié est uni par un contrat de travail à une “ sous-filiale “ ;

Mais attendu, d’abord, que la cour d’appel n’a pas fait application des dispositions de l’article L. 122-14-8 du Code du travail ;

Atendu, ensuite, que la cour d’appel après avoir relevé une confusion d’activité et de gestion entre les sociétés SCAC et SCAC EPSEA a constaté, sans dénaturation des pièces versées aux débats, d’une part, que la société SCAC avait satisfait à l’obligation de reclassement mise à la charge de la société SCAC EPSEA (par l’avenant au contrat de travail du 7 juin 1983) en proposant à M. X..., par lettre du 5 août 1985, un emploi dans une de ses autres filiales au Nigéria et que cette lettre reconnaissait à l’intéressé la position de cadre du groupe détaché pour un temps à déterminer, d’autre part, que la société SCAC lui avait délivré un certificat de travail le 12 septembre 1985 et avait par la suite, au cours des années suivantes durant lesquelles M. X... exerçait son activité dans cette filiale, pris diverses mesures concernant son salaire, sa responsabilité civile, sa couverture médicale et sociale, sa retraite et son régime de prévoyance ; qu’au vu de ces constatations, d’où il résultait que la société SCAC avait exercé son autorité sur l’intéressé et conservé un contrôle sur son activité, elle a pu décider, peu important qu’un contrat écrit de cadre détaché n’ait pas été élaboré, que M. X... se trouvait placé dans un état de subordination à l’égard de la société SCAC et que cette société avait conservé sa qualité d’employeur nonobstant l’affectation de l’intéressé au service d’une filiale ; que dès lors en décidant que le refus de la société SCAC de lui proposer un autre emploi, à la suite de la rupture de son contrat avec cette filiale, s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen qui est pour partie inopérant, ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen : (sans intérêt) ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

Publication : Bulletin 1998 V N° 437 p. 328

Décision attaquée : Cour d’appel de Versailles , du 21 mars 1995

Titrages et résumés : CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Cause - Cause réelle et sérieuse - Défaut - Salarié détaché auprès d’une filiale - Rupture du contrat de travail - Refus de réintégration par la société mère . Ayant constaté, d’une part, qu’une société mère avait satisfait à l’obligation de reclassement d’un salarié mise à la charge de l’une de ses filiales en lui proposant un emploi dans une autre de ses filiales et en lui reconnaissant la qualité de cadre du groupe détaché pour un temps à déterminer, d’autre part, qu’elle lui avait délivré un certificat de travail et qu’au cours des années durant lesquelles ce salarié a exercé son activité dans cette filiale elle avait pris diverses mesures concernant son salaire, sa responsabilité civile, sa couverture médicale et sociale, sa retraite et son régime de prévoyance, ce dont il résultait que la société mère avait exercé son autorité sur l’intéressé et conservé un contrôle sur son activité, une cour d’appel a pu décider, peu important qu’un contrat écrit de cadre détaché n’ait pas été élaboré, que le salarié se trouvait placé dans un état de subordination à l’égard de la société mère et que cette société avait conservé sa qualité d’employeur, nonobstant l’affectation du salarié au service d’une filiale. Justifie dès lors sa décision la cour d’appel qui décide que le refus de la société mère de proposer un autre emploi au salarié, à la suite de la rupture de son contrat avec la filiale, s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

CONTRAT DE TRAVAIL, FORMATION - Définition - Lien de subordination - Société - Salarié affecté au service d’une filiale - Constatations suffisantes CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Détermination - Société - Salarié affecté au service d’une filiale - Constatations suffisantes

Précédents jurisprudentiels : A RAPPROCHER : Chambre sociale, 1988-02-25, Bulletin 1988, V, n° 138, p. 91 (cassation) ; Chambre sociale, 1993-10-06, Bulletin 1993, V, n° 225, p. 155 (cassation), et l’arrêt cité.