mise en oeuvre régulière de la solidarité financière -pro rata respecté - recouvrement validé

, par Hervé

CAA de VERSAILLES, 1ère chambre, 09/07/2020, 19VE01946, Inédit au recueil Lebon
CAA de VERSAILLES - 1ère chambre

N° 19VE01946
Inédit au recueil Lebon

Lecture du jeudi 09 juillet 2020
Président
M. BEAUJARD
Rapporteur
M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public
Mme MERY
Avocat(s)
SELARL LEGI GARONNE
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL ETCE a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise à titre principal, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés, de taxe d’apprentissage et de contribution à la formation professionnelle continue, en tant qu’ils portent sur les droits au principal, mise à la charge de la société CRBI et dont le paiement lui est réclamé au titre de l’année 2012, en sa qualité de débiteur solidaire, sur le fondement de l’article 1724 quater du code général des impôts, à titre subsidiaire de prononcer la décharge partielle de l’obligation de payer mentionnée ci-dessus pour réduire les impositions dues à la somme de 17 105 euros au titre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, 4 417 euros au titre des cotisations d’impôt sur les sociétés, et de
630 euros au titre des cotisations de taxe d’apprentissage et de contribution à la formation professionnelle continue, enfin d’enjoindre à l’administration fiscale de produire les avis de mise en recouvrement des impositions mises à la charge de la SARL CRBI est la preuve de leur notification.

Par un jugement n° 161432 du 23 avril 2019, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 mai 2019, la SARL ETCE, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1° d’annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge totale de l’obligation de payer ;

3° à titre subsidiaire, de prononcer la décharge partielle de l’obligation de payer mentionnée ci-dessus au titre de l’année 2012, de 4 417 euros au titre des cotisations d’impôt sur les sociétés, de 630 euros au titre des cotisations de taxe d’apprentissage et de contribution à la formation professionnelle continue, et de 18 500 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée ;

4° de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros, sur le fondement de l’article
L 761-1 du Code de justice administrative.

Elle soutient que :
 en opposant une irrecevabilité partielle, les premiers juges ont fait une inexacte application de l’article R. 28165 du livre des procédures fiscales du livre des procédures fiscales ;
 les conditions de mise en jeu de la solidarité financière ne sont pas réunies ;
 l’administration a rejeté à tort sa comptabilité, dès lors qu’il n’est pas démontré qu’elle utiliserait un logiciel permissif.

......................................................................................................

Vu les pièces du dossier.

Vu :
 le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
 les articles 7 et 12 de l’ordonnance n° 2020-305 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif modifiée par les ordonnances n° 2020 405 du 8 avril 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;
 le code de justice administrative.

En application de l’article 7 de l’ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020, les parties ont été régulièrement informées de la tenue d’une audience partiellement dématérialisée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
 le rapport de M. A... ;
 et les conclusions de Mme Méry, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Entreprise Tous Corps d’État (ETCE) relève appel du jugement du 23 avril 2019, par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge de l’obligation de payer, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés, de taxe d’apprentissage et de contribution à la formation professionnelle continue, à raison de sa qualité de débiteur solidaire de la société CRBI, sur le fondement de l’article 1724 quater du code général des impôts.
Sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par l’administration en ce qui concerne le montant des sommes en litige et l’intérêt à agir de la SARL ETCE contre le bien-fondé des impositions objet du recouvrement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. la SARL ETCE soutient que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que les conditions de la mise en oeuvre de la solidarité financière, prévues à l’article
L. 8222-5 du code du travail, n’étaient pas réunies. Il résulte toutefois des énonciations du jugement attaqué, et notamment de son point 3, qu’il répond expressément à ce moyen. Par suite, ce dernier doit être écarté comme manquant fait.

Au fond :

3. Aux termes de l’article 1724 quater du code général des impôts : " Toute personne qui ne procède pas aux vérifications prévues à l’article L. 8222-1 du code du travail ou qui a été condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé est, conformément à l’article L. 8222-2 du même code, tenue solidairement au paiement des sommes mentionnées à ce même article dans les conditions prévues à l’article L. 8222-3 du code précité ". Aux termes de l’article L. 8222-1 du code du travail : " Toute personne vérifie lors de la conclusion d’un contrat dont l’objet porte sur une obligation d’un montant minimum en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce, et périodiquement jusqu’à la fin de l’exécution du contrat, que son cocontractant s’acquitte : / 1° des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 (...) ". Aux termes de l’article L. 8222-2 de ce code : " Toute personne qui méconnaît les dispositions de l’article L. 8222-1, ainsi que toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenue solidairement avec celui qui a fait l’objet d’un procès-verbal pour délit de travail dissimulé : 1° Au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale ; (...) ". Aux termes de l’article L. 8222-3 de ce code : " Les sommes dont le paiement est exigible en application de l’article L. 8222-2 sont déterminées à due proportion de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, du bien vendu et de la rémunération en vigueur dans la profession. ". Et aux termes de l’article L. 8222-5 du même code : " Le maître de l’ouvrage ou le donneur d’ordre, informé par écrit par un agent de contrôle mentionné à l’article L. 8271-7 ou par un syndicat ou une association professionnels ou une institution représentative du personnel, de l’intervention du cocontractant, d’un sous-traitant ou d’un subdélégataire en situation irrégulière au regard des formalités mentionnées aux articles
L. 8221-3 et L. 8221-5 enjoint aussitôt à son cocontractant de faire cesser sans délai cette situation. /A défaut, il est tenu solidairement avec son cocontractant au paiement des impôts, taxes, cotisations, rémunérations et charges mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 8222-2, dans les conditions fixées à l’article L. 8222-3. / Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas au particulier qui contracte pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, de ses ascendants ou descendants ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la solidarité financière instituée par l’article 1724 quater du code général des impôts, seule disposition sur laquelle s’est fondée l’administration pour rechercher la solidarité financière de la société ETCE, et qui doit être appliquée indépendamment des dispositions de l’article 1724 quater B du même code, fait obligation à un opérateur économique de vérifier lors de la conclusion d’un contrat dont l’objet porte sur une obligation d’un montant minimum en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce, que son cocontractant observe les règles de l’emploi déclaré de ses salariés, sous peine du paiement solidaire des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations afférentes par ce contractant à due proportion de la valeur du chiffre d’affaires réalisé entre les deux entreprises. Il s’ensuit que le déclenchement de la solidarité financière prévue à l’article 1724 quater du code général des impôts n’est pas subordonnée à l’information écrite de l’administration de la situation irrégulière du contractant. Il suit de là que c’est par une exacte interprétation des dispositions de cet article que l’administration a estimé que la solidarité financière de la société ETCE avec la société CRBI, qui avait fait l’objet d’un procès-verbal de travail dissimulé le 30 mars 2015 d’emploi de travailleurs non déclarés, ne nécessitait pas l’information écrite préalable déjà mentionnée.

5. Par ailleurs, la SARL ETCE admet dans sa réclamation du 4 mai 2016 que les attestations de fourniture de déclarations sociales et de versement des cotisations sociales qu’elle avait produites pour la période du 15 août au 30 septembre 2012, n’ont pas été authentifiées auprès de l’URSSAF par l’ancienne gérante de la société. Ainsi, le moyen soulevé à titre subsidiaire, tiré de ce qu’elle avait fait les diligences nécessaires pour s’assurer de la situation régulière de sa cocontractante au regard du droit du travail, ne peut qu’être écarté.

6. Enfin, aux termes de l’article L8222-3 du code du travail : " Les sommes dont le paiement est exigible en application de l’article L. 8222-2 sont déterminées à due proportion de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, du bien vendu et de la rémunération en vigueur dans la profession ". C’est dès lors à bon droit que l’administration fiscale a déterminé, en application des dispositions précitées, le montant de la part des impositions supplémentaires et des majorations correspondantes mises à la charge de la société CRBI dont était redevable la société requérante au titre de sa responsabilité solidaire en appliquant à ces impositions un taux correspondant à la part des commandes de la société ETCE dans le chiffre d’affaires de la société CRBI. Par suite, et sans qu’il soit besoin de faire application des dispositions de l’article R 281-5 du livre des procédures fiscales qui dispose que : " Le juge se prononce exclusivement au vu des justifications qui ont été présentées au chef du service. Les redevables qui l’ont saisi ne peuvent ni lui soumettre des pièces justificatives autres que celles qu’ils ont déjà produites à l’appui de leurs mémoires, ni invoquer des faits autres que ceux exposés dans ces mémoire ", la société requérante n’est pas fondée à soutenir que l’administration ne pouvait calculer sa part au titre de la responsabilité solidaire sur la base des paiements effectués, mais seulement sur la base des sommes facturées ;

7. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL ETCE n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de l’obligation de payer les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés, de taxe d’apprentissage et de contribution à la formation professionnelle continue. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL ETCE est rejetée.