dissimulation d’activité oui

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 26 septembre 2000

N° de pourvoi : 99-87115

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. COTTE, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six septembre deux mille, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DESPORTES, les observations de la société civile professionnelle RICHARD et MANDELKERN, la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général de X... ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" GRUET Jean-Michel,

contre l’arrêt de la cour d’appel de RIOM, chambre correctionnelle, du 7 octobre 1999, qui, pour travail clandestin, abus de confiance et destruction d’un bien appartenant à autrui, l’a condamné à 6 mois d’emprisonnement avec sursis, à 5 ans d’interdiction des droits civiques, civils et de famille et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 314-1, 406 et 408 anciens du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Jean-Michel Y... coupable du délit d’abus de confiance, en ce qu’il l’a condamné à la peine de six mois d’emprisonnement avec sursis et à la privation des droits civiques, civils et de famille, et en ce qu’il l’a condamné à payer à la société Sacherie d’Auvergnela somme de 230.522,37 francs à titre de dommages-intérêts ;

”aux motifs que Jean-Michel Y... a reconnu avoir effectué pour son propre compte des travaux, relevant de l’activité des Sacheries d’Auvergne, clientèle qu’il a détournée, en conservant le produit financier de ces contrats, alors que du fait de ses fonctions, il lui appartenait de confier ces travaux à son employeur et de lui remettre les fonds perçus ; qu’il ne peut sérieusement soutenir que compte tenu de l’état de son important patrimoine immobilier et mobilier, qu’il a été contraint de procéder de la sorte en raison de la faiblesse du salaire mensuel de 7 800 francs qui lui était versé par son employeur, et ne peut davantage prétendre, faute de preuve et alors que cette allégation est contestée, que son employeur n’ignorait rien des expédients qu’il employait pour survivre ; que ces faits concernent 29 dossiers ; que les aveux de Jean-Michel Y... et les éléments versés aux débats par la partie civile justifient que pour ces faits, le prévenu soit déclaré coupable d’abus de confiance ; qu’il a en effet sciemment détourné cette clientèle et ainsi qu’elle était susceptible de procurer à la société Sacherie d’Auvergne ; que les faits tels que décrits, pour ceux antérieurs au 1er mars 1994, tombaient sous le coup des articles 406 et 408 du Code pénal ancien, le prévenu ayant disposé d’une clientèle et de fonds dans le cadre d’un mandat de gestion qui lui était reconnu par son employeur pour l’agence de Moulins ;

”alors que seul un bien corporel peut faire l’objet d’un abus de confiance ; qu’une clientèle ne peut dès lors être l’objet d’un tel délit ; que la Cour d’appel ne pouvait par conséquent décider que Jean-Michel Y... s’était rendu coupable du délit d’abus de confiance en détournant la clientèle de la société Sacherie d’Auvergne” ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que Jean-Michel Y..., salarié de la société Sacheries d’Auvergne, dont il dirigeait une agence, est poursuivi pour avoir détourné au préjudice de cette société une somme reçue en paiement de travaux ainsi que du matériel appartenant à celle-ci ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de ce chef, la cour d’appel retient qu’il a effectué à son profit, en utilisant parfois le matériel de la société, des travaux qu’il aurait dû réaliser pour le compte de celle-ci ; que les juges précisent qu’il a conservé les fonds procurés par cette activité alors que, les détenant en vertu du mandat de gestion qui lui avait été confié, il aurait dû les remettre à son employeur ;

Attendu qu’en prononçant ainsi, la cour d’appel, qui n’a pas retenu seulement à l’encontre du prévenu un détournement de clientèle, a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles L. 324-9, L. 324-10, L. 362-3 et L. 362-4 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Jean-Michel Y... coupable du délit de travail clandestin, en ce qu’il l’a condamné à la peine de six mois d’emprisonnement avec sursis et à la privation des droits civiques, civils et de famille, et en ce qu’il l’a condamné à payer à la société Sacherie d’Auvergne la somme de 230.522,37 francs à titre de dommages-intérêts ;

”aux motifs que Jean-Michel Y..., qui ne conteste pas cette infraction, sera donc déclaré coupable d’exercice d’un travail clandestin, pour avoir habituellement exercé une activité rémunérée, sans respecter aucune des obligations déclaratives prévues par la réglementation ; qu’au demeurant, cette activité clandestine s’est poursuivie au-delà du licenciement, fin février 1996, le prévenu ayant reconnu avoir effectué sous couvert d’une entreprise en nom personnel non déclarée des travaux pour les clients Tison, Hacquard et Garnier ;

”alors que tout jugement ou arrêt doit énoncer les faits dont le prévenu est jugé coupable et constater l’existence de tous les éléments constitutifs de l’infraction retenue ; que l’aveu du prévenu ne dispense pas les juges du fond de leur obligation de caractériser les éléments constitutifs de l’infraction ; que le délit de travail clandestin suppose que le prévenu se soit volontairement abstenu de procéder à certaines déclarations limitativement énumérées ; que la cour d’appel ne pouvait dès lors se borner à affirmer que Jean-Michel Y... ne contestait pas la réalité de l’infraction, sans préciser les obligations déclaratives auxquelles il n’avait pas satisfait, ni relever à son encontre la volonté de dissimuler son activité ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 322-1 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Jean-Michel Y... coupable du délit de destruction volontaire d’un bien appartenant à autrui, en ce qu’il l’a condamné à la peine de six mois d’emprisonnement avec sursis et à la privation des droits civiques, civils et de famille, et en ce qu’il l’a condamné à payer à la société Sacherie d’Auvergne la somme de 230.522,37 francs à titre de dommages-intérêts ;

”aux motifs que le délit de destruction des carnets n’est pas contesté ;

”alors que tout jugement ou arrêt doit énoncer les faits dont le prévenu est jugé coupable et constater l’existence de tous les éléments constitutifs de l’infraction retenue ; que l’aveu du prévenu ne dispense pas les juges du fond de leur obligation de caractériser les éléments constitutifs de l’infraction ; que la cour d’appel ne pouvait dès lors se borner à affirmer que le délit de destruction des carnets n’était pas contesté, sans caractériser les éléments matériel et intentionnel de l’infraction, au regard des faits de l’espèce” ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que le prévenu est également poursuivi pour travail clandestin et destruction volontaire d’un bien appartenant à autrui ; que, selon les termes de la prévention et les constatations de l’arrêt attaqué, il lui est reproché, du premier de ces chefs, d’avoir exercé en 1996 une activité à but lucratif d’installateur de stores sans avoir procédé à aucune des formalités prévues par l’article L. 324-10, ancien, du Code du travail et, du second de ces chefs, d’avoir détruit volontairement seize carnets de devis appartenant à la société Sacheries d’Auvergne, sur lesquels étaient indiqués les travaux exécutés pour son propre compte ;

Attendu que, pour retenir la culpabilité du prévenu, les juges se prononcent par les motifs reproduits aux moyens ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs et dès lors que les éléments constitutifs des délits poursuivis étaient précisés de manière complète par la prévention et les constatations des juges, la cour d’appel, a justifié sa décision ;

D’où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 314-1, 406 et 408 anciens du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, 1382 du Code civil, défaut de motif et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a condamné Jean-Michel Y... à payer à la société Sacherie d’Auvergne la somme de 230.522,37 francs à titre de dommages-intérêts ;

”aux motifs propres que la présente demande porte sur le manque à gagner lié au détournement du chiffre d’affaires qui aurait dû lui revenir ; qu’en effet, la société les sacherie d’Auvergne était en mesure d’honorer ces contrats avec le personnel et la main d’oeuvre qu’elle avait embauchés ; que la somme retenue par le tribunal est entièrement justifiée, la Cour ayant vérifié qu’elle ne prenait pas en compte la moindre somme au titre des contrats ayant fait l’objet de la décision de relaxe ;

”et aux motifs adoptés des premiers juges que les détournements poursuivis s’élèvent à la somme totale de 229.126,79 francs correspondant au tableau synoptique établi dans le procès-verbal de synthèse du SRPJ du 30 juillet 1998, lequel inclut dans cette somme, les stores, l’auvent et l’ armature ; que toutefois, ce totale est affecté d’une erreur de calcul et s’élève en fait à 229.127,39 francs ; qu’en outre, il n’avait pas été chiffré dans ce tableau les chantiers Brandely et Raymond qui s’élèvent respectivement à 959,98 francs et 435 francs ; qu’il échet en conséquence de retenir la demande de la partie civile à hauteur de la somme de 230.522,37 francs ;

”alors que la cour d’appel ne pouvait condamnerJean-Michel Gruet à payer à la société Sacherie d’Auvergne, à titre de dommages-intérêts, une somme équivalente au chiffre d’affaires réalisé, mais seulement à la perte dont celle-ci avait été privée, soit une somme équivalente au bénéfice” ;

Attendu qu’en évaluant comme elle l’a fait, la réparation du préjudice de la partie civile, la cour d’appel n’a fait qu’user de son pouvoir d’apprécier souverainement, dans les limites des conclusions des parties, l’indemnité propre à réparer le dommage né du délit d’abus de confiance ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Desportes conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. de Gouttes ;

Greffier de chambre : Mme Nicolas ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de RIOM chambre correctionnelle , du 7 octobre 1999