définition

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 18 avril 1989

N° de pourvoi : 86-96663

Non publié au bulletin

Rejet

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le dix-huit avril mil neuf cent quatre vingt neuf, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GUIRIMAND, les observations de la société civile professionnelle MASSEN-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN et de Me COSSA, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LECOCQ ; Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" LE SYNDICAT NATIONAL DES PERSONNELS DE L’ENERGIE ATOMIQUE, partie civile,

contre l’arrêt de la cour d’appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 26 novembre 1986 qui, dans les poursuites exercées contre MOLBERT, BELLOT, CHARLADE et PARIOST du chef d’infractions à l’article L. 125-3 du Code du travail, après relaxe des prévenus, a débouté ladite partie civile de ses demandes ; Vu les mémoires produits en demande et en défense ; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles . L 125-1, L. 125-3, L. 152-2, L. 152-3 du Code du travail, de l’article 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ; “en ce que l’arrêt attaqué a relaxé les prévenus des fins de la poursuite fondée sur un prêt de main d’oeuvre à but lucratif et la volonté d’éluder l’application des dispositions de la loi ou des règlements et, à cet égard, a débouté les parties civiles, dont le syndicat demandeur, de leurs demandes ;

”aux motifs que courant mai 1981, un contrat avait été passé entre Eurodif et la société EI, aux termes duquel, la première confiait à celle-ci des prestations de travaux en ateliers et d’assitance technique ; que ledit contrat prévoyait notamment que l’entrepreneur devait déléguer un de ses membres qui “aura tout pouvoir de décision” et “effectuer sous son entière responsabilité les travaux qui lui sont confiés” ; qu’était joint un tableau relatif aux bases de rémunération sur des taux horaires ; que par avenant du 3 août 1983, les prestations devaient être rémunérées sur la base d’un forfait mensuel ; qu’il est démontré que si les calculs des salaires, avantages et indemnités diverses n’étaient pas exactement les mêmes dans les deux entreprises, cette diversité ne permettait pas de dire qui de ses salariés avaient le plus d’avantages ; qu’en tout état de cause, il faudrait démontrer préalablement qu’il y avait but lucratif de fourniture de main d’oeuvre ; que les ouvriers de la société Entreprise Industrielle travaillaient dans un cadre déterminé et spécifique de la station d’épuration ; qu’ayant participé aux travaux au stade de la construction ils devaient normalement dans le cadre du contrat litigieux travailler pour la phase des essais ; que si les rémunérations étaient fixées sur un taux horaire pour certaines opérations ponctuelles elles ne l’étaient pas d’une façon générale et que des forfaits étaient également prévus notamment pour des avenants versés aux débats ; que la société Entreprise Industrielle devait assumer une oligation de résultat ; qu’il était prévu que les travaux effectués par ses salariés se feraient sous sa seule responsabilité, ce qui est l’un des éléments juridiques essentiels du contrat d’entreprise ; qu’elle fournissait de plus les moyens, le matériel et les véhicules nécessaires à sa mission ; que le représentant de l’Entreprise Industrielle était à demeure chef du chantier de sa société et qu’il n’était pas prouvé par les parties civiles qu’il n’avait aucune activité et que, d’une façon générale, les instructions étaient données par les responsables d’Eurodif ; qu’en réalité, si des instructions directes provenaient de ces responsables, elles portaient sur les problèmes très particuliers de la sécurité ou sur des points de détail ; qu’en ce qui concerne les congés, les quelques imprimés versés aux débats ne pouvaient à eux seuls rapporter la preuve que d’une façon systématique seule Eurodif déteminait la prise de congés des salariés d’Entreprise Industrielle ; que si sur certains états figurent à la fois des salariés d’Eurodif et de Entreprise Industrielle, il était nécessaire pour le responsable appelé chef de quart de connaître quels étaient les salariés qui travaillaient dans des services déterminés pour des raisons évidentes de sécurité ; que le fait de trouver deux ouvriers d’Eurodif sur un tableau qui

comporte huit salariés d’Entreprise Industrielle dans des unités spécifiques ne suffit pas à affirmer que les salariés n’avaient aucune spécificité ; qu’en outre, c’est à juste titre que les premiers juges ont décidé que le jugement du tribunal de Nyons, qui concernait les élections des délégués ne pouvait être considéré comme établissant le prêt de main-d’oeuvre dès lors qu’il s’agissait de savoir si les salariés des entreprises extérieures à Eurodif devaient être pris en compte pour déterminer le nombre de délégués à élire ; qu’il ressort de ce qui précède qu’aucun des éléments des infractions poursuivies n’était établi ; “alors que, d’une part, s’agissant de l’objet des contrats litigieux, la cour d’appel s’est bornée à le définir par référence auxdits contrats en énonçant qu’il s’agissait de travaux en ateliers et d’assistance technique, rémunérés d’abord sur des taux horaires puis sur la base d’un forfait mensuel, que la société Entreprise Industrielle avait une obligation de résultat ; que ces seules énonciations ne suffisent pas à établir l’existence d’une tâche objective, rémunérée de façon forfaitaire ni à déterminer le résultat recherché ; “alors, surtout, qu’en affirmant que le fait de trouver deux ouvriers d’Eurodif sur un tableau qui comporte huit salariés d’Entreprise Industrielle ne suffisait pas à affirmer que les salariés n’avaient aucune spécificité, la cour d’appel ne répond pas, en réalité, au chef des conclusions du syndicat demandeur, y relatif, dont il résulte que non seulement il y avait aussi bien des ouvriers d’Eurodif que d’Entreprise Industrielle au sein des équipes mais que, surtout, ils se trouvaient tous en bas de l’échelle et étaient soumis à une hiérarchie, chef de quart, puis technicien fluide, puis ouvrier fluide, appartenant tous à la société Eurodif ; “alors que, d’autre part, s’agissant des conditions d’emploi du personnel de la société Entreprise Industrielle sur le site de la société Eurodif, la cour d’appel s’est abstenue de les caractériser en se bornant à écarter tous éléments de preuve, rapportés sur chaque point, par les parties civiles comme insuffisants mais sans caractériser positivement le lien de subordination à l’égard de la société Entreprise Industrielle ;

”alors, surtout, que ces motifs ne sauraient, en réalité, constituer une réponse aux conclusions circonstanciées du syndicat demandeur selon lesquelles les salariés de l’Entreprise Industrielle étaient intégrés dans les équipes mises en place par la société Eurodif, au bas de l’échelle et sous la hiérarchie de cette société ; que la présence d’un représentant de l’Entreprise Industrielle était purement formelle puisque, de toute façon, il travaillait huit heures par jour tandis que les salariés intéressés faisaient les trois-huit ; qu’il résultait enfin des jugements de deux tribunaux d’instance et d’un rapport d’expertise, versé aux débats, que la société Eurodif avait reconnu expressément que les salariés d’Entreprise Industrielle travaillaient directement sous les ordres de son encadrement ; “alors, enfin, que, à cet égard, la cour d’appel ne pouvait sans contredire les dispositifs mêmes de ces décisions civiles, portant inscription des salariés de la société Entreprise Industrielle sur les listes électorales de la société Eurodif, dès lors qu’ils exerçaient leur travail de manière habituelle sous la direction effective des responsables d’Eurodif Production, écarter ces décisions en affirmant qu’il s’agissait seulement de savoir si ces salariés devaient être pris en compte pour déterminer le nombre de délégués à élire” ; Attendu qu’il ressort de l’arrêt attaqué, du jugement qu’il confirme et des pièces de procédure que Molbert et Bellot, directeurs généraux successifs de la société “Eurodif Production” à Pierrelatte (Drôme) ainsi que Charlade, qui avait remplacé Bellot dans ses fonctions, et Pariost, dirigeant de la société “Entreprise Industrielle”, ont été renvoyés devant la juridiction correctionnelle pour avoir, entre 1981 et 1984, effectué des opérations à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’oeuvre, en violation de l’article L. 125-3 du Code du travail, qui interdit de telles opérations hors du cadre des dispositions régissant le travail temporaire ;

Attendu que pour dire la prévention non établie et débouter les parties civiles de leurs demandes de réparations, les juges du fond relèvent que la société “Entreprise Industrielle”, spécialisée dans les installations électriques et de génie civil, avait conclu avec “Eurodif-Production”, au mois de mai 1981, en période de construction du site nucléaire, un contrat prévoyant l’exécution de travaux en atelier et d’assistance technique par cette société, qui devait intervenir dans le cadre déterminé et spécifique de la station d’épuration, des tours de refroidissement et de la centrale frigorifique du site “d’”Eurodif” ; qu’après l’achèvement de la construction de la centrale, lors de la phase des essais et du passage de cette phase à celle de l’exploitation, “Entreprise Industrielle” a procédé aux modifications préalables à l’automatisation de certaines installations, continuant à travailler pour “Eurodif-Production” moyennant des rémunérations fixées selon un taux horaire pour certaines opérations ponctuelles, mais aussi selon des forfaits ; qu’”Entreprise Industrielle”, qui fournissait les moyens, le matériel ainsi que les véhicules nécessaires à sa mission, devait assumer une obligation de résultat, les travaux mis à sa charge étant effectués sous sa seule responsabilité, ce qui caractérise le contrat d’entreprise ; que les pièces produites par les parties civiles n’établissent pas que les salariés d’”Entreprise Industrielle” aient été placés sous l’autorité hiérarchique d’”Eurodif-Production”, ni que cette dernière société ait donné auxdits salariés des instructions directes, sauf en ce qui concerne les problèmes, très particuliers en l’espèce, de la sécurité ou de l’organisation matérielle des repas ; que s’il est démontré que les salaires, avantages et indemnités diverses n’étaient pas les mêmes dans les deux entreprises, cette disparité ne permet pas de savoir si les salariés d’”Eurodif” avaient plus d’avantages que ceux d’”Entreprise Industrielle” ; Attendu que de l’ensemble de ces constatations et énonciations, qui résultent d’une appréciation souveraine des éléments de conviction soumis aux débats contradictoires et qui répondent aux chefs péremptoires des conclusions déposées, les juges du fond, qui n’étaient pas tenus par les décisions civiles produites devant eux, ont pu déduire comme ils l’ont fait que n’était pas caractérisée l’infraction prévue par l’article L. 125-3 du Code du travail, ni celle que définit l’article L. 125-1 du même Code, faute de preuve de l’existence d’une opération illicite à but lucratif ayant pour objet exclusif un prêt de main-d’oeuvre, ou d’une opération de fourniture de main-d’oeuvre ayant pour effet de causer un préjudice aux salariés en cause ou d’éluder les dispositions de la loi, des règlements, des conventions ou des accords collectifs de travail ; Qu’il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli ; Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi

Décision attaquée : Cour d’appel de Grenoble du 26 novembre 1986

Titrages et résumés : TRAVAIL - Inspection du travail - Inspecteurs du travail - Procès verbaux - Remise d’un exemplaire - Infraction autre que concernant la durée du travail (non).

Textes appliqués :
* Code du travail L121-1, L125-3