Fonctionnaires salariés en France oui

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du 16 juin 2016

N° de pourvoi : 15-20098

ECLI:FR:CCASS:2016:C201027

Non publié au bulletin

Rejet

Mme Flise (président), président

SCP Boutet-Hourdeaux, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Amiens, 21 avril 2015), rectifié par arrêt du du 26 novembre 2015, qu’après deux contrôles inopinés des 6 novembre 2007 et 9 novembre 2008, l’URSSAF de la Somme, aux droits de laquelle vient l’URSSAF de Picardie, a notifié à la société Nuit d’Artistes deux lettres d’observations aux fins de redressement de cotisations pour travail dissimulé, relatifs à deux spectacles qu’elle a produits avec des artistes, membres des choeurs et danses de l’armée russe, lettres suivies de deux mises en demeure ; que la société a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que la société fait grief à l’arrêt de valider les redressements, alors, selon le moyen :

1°/ que l’exposante invoquait « l’incompatibilité du statut » des « artistes contrôlés » avec « un contrat de travail » en soulignant notamment qu’ils « ne pouvaient régulariser un contrat de travail » à son profit « puisqu’ils restaient (…) exclusivement rattachés à l’Etat russe en tant que fonctionnaires et agents de cet Etat dans le cadre de l’exécution d’une mission sur ordre et dans l’intérêt national du pays », et produisait une lettre du Ministère de la Défense de la Fédération de Russie précisant que l’entreprise de spectacles « ne (pouvait) être l’employeur » de ces artistes, « salariés » du dit ministère ; qu’en délaissant une argumentation aussi pertinente, fondée sur des documents officiels, dont il résultait que l’exposante ne pouvait salarier les artistes concernés, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que pour soutenir qu’elle n’avait versé aucune rémunération aux artistes visés par les contrôles mais seulement pris en charge leurs défraiements et indemnités, l’exposante produisait des factures des « 04/12/07 » et « 31/12/07 » visant explicitement, pour les périodes concernées, les sommes par elle réglées au titre du « défraiement des artistes », des « taxes », « assurances » et autres « frais » ; qu’en affirmant néanmoins que l’exposante avait procédé à un versement en liquide sans fournir aucun justificatif pour caractériser lesdits défraiements et indemnités, la cour d’appel a dénaturé par omission le contenu précis des factures régulièrement produites aux débats, en violation de l’article 1134 du code civil. ;

Mais attendu qu’après avoir rappelé les dispositions des articles L. 7121-3 , L. 7121-4 et L. 7121-5 du code du travail, l’arrêt relève qu’il résulte des pièces produites et notamment des contrats de vente du 3 juillet 2007 et du 11 juin 2008 conclus entre des organisateurs de spectacles et la société que cette dernière, qualifiée de producteur et d’employeur, assume, entre autres, à ce titre, les salaires, les charges sociales et indemnités du personnel administratif ; qu’elle détermine les conditions de la tournée des Choeurs de l’armée russe, fixe notamment le rythme et les horaires des représentations plaçant ainsi les artistes sous sa subordination, assure leur défraiement, tout en prétendant qu’il ne s’agit pas d’une rémunération, alors que l’inspecteur de l’URSSAF a relevé que la société a procédé au versement d’une somme en liquide au chef des Choeurs et qu’aucun justificatif n’est fourni pour caractériser les dits défraiements et indemnités des artistes russes ; que les dispositions de l’article L. 7121-5 du code du travail qui écartent la présomption de salariat pour les artistes reconnus prestataires de service établis dans un Etat membre de la Communauté européenne ou dans un autre Etat partie à l’accord sur l’espace économique européen, ne sont pas applicables en l’espèce aux artistes de la Fédération de Russie qui n’est ni membre de la Communauté européenne, ni liée par une convention bilatérale sur ce point ;

Que de ces énonciations et constatations procédant de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, la cour d’appel a exactement déduit, sans méconnaître les termes du litige, ni dénaturer les pièces produites, en répondant aux moyens présentés devant elle et hors de toute dénaturation, que les redressements de cotisations de l’URSSAF étaient bien-fondés, les rémunérations litigieuses entrant dans l’assiette de cotisations du régime général de la sécurité sociale par application de l’article L. 311-3, 15°, du code de la sécurité sociale ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Nuits d’artistes aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société nuits d’artistes et la condamne à payer à l’URSSAF de Picardie la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour la société Nuits d’artistes

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté la demande d’une entreprise de spectacles (la société Nuits d’Artistes, l’exposante) tendant à voir annuler les redressements de cotisations notifiés par l’organisme de recouvrement (l’URSSAF de Picardie) au titre de deux redressements notifiés les 20 mars 2008 et 12 novembre 2008, et de l’avoir condamnée au paiement de la somme de 37 251 € correspondant aux cotisations redressées et aux majorations de retard y afférentes ;

AUX MOTIFS QU’il résultait des pièces produites et notamment des contrats de vente du 3 juillet 2007 et du 11 juin 2008, conclus entre des organisateurs de spectacles et la société Nuits d’Artistes, que cette dernière, qualifiée de producteur et d’employeur, assumait, entre autres, à ce titre, les salaires, charges sociales et indemnités de son personnel administratif ; qu’elle déterminait les conditions de la tournée des Choeurs de l’Armée Russe, fixait notamment le rythme et les horaires des représentations, plaçant ainsi les artistes sous sa subordination, assurait leur défraiement, tout en prétendant qu’il ne s’agissait pas d’une rémunération, quand l’inspecteur de l’URSSAF avait relevé que la société avait procédé au versement d’une somme en liquide au chef des Choeurs et qu’aucun justificatif n’était fourni pour caractériser lesdits défraiements et indemnités des artistes russes ; que ces éléments permettaient de retenir l’existence d’une présomption de salariat, dont la société Nuits d’Artistes ne pouvait utilement s’exonérer à raison du statut de militaires étrangers des membres de la formation leur permettant de disposer de passeports des services russes, quand l’article 13 2 du décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005, sur lequel la société se fondait, se rapportait aux passeports de service des agents civils et militaires de l’Etat français (arrêt attaqué, p. 4, 8ème alinéa, et p. 5, 1er alinéa) ;

ALORS QUE l’exposante invoquait (v. ses conclusions d’appel p. 6, in limine, et p. 9, 1er alinéa, prod.) « l’incompatibilité du statut » des « artistes contrôlés » avec « un contrat de travail » en soulignant notamment qu’ils « ne pouvaient régulariser un contrat de travail » à son profit « puisqu’ils restaient (…) exclusivement rattachés à l’Etat russe en tant que fonctionnaires et agents de cet Etat dans le cadre de l’exécution d’une mission sur ordre et dans l’intérêt national du pays », et produisait une lettre du Ministère de la Défense de la Fédération de Russie (pièce n° 8 du bordereau, prod.) précisant que l’entreprise de spectacles « ne (pouvait) être l’employeur » de ces artistes, « salariés » dudit ministère ; qu’en délaissant une argumentation aussi pertinente, fondée sur des documents officiels, dont il résultait que l’exposante ne pouvait salarier les artistes concernés, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, en toute hypothèse, pour soutenir qu’elle n’avait versé aucune rémunération aux artistes visés par les contrôles mais seulement pris en charge leurs défraiements et indemnités (v. ses conclusions p. 10, 9ème alinéa, p. 11, in fine, et p. 12, 1er et 2ème alinéa), l’exposante produisait des factures des « 04/12/07 » et « 31/12/07 » visant explicitement, pour les périodes concernées, les sommes par elle réglées au titre du « défraiement des artistes », des « taxes », « assurances » et autres « frais » (pièces nos 11-1 et 11-2 du bordereau, prod.) ; qu’en affirmant néanmoins que l’exposante avait procédé à un versement en liquide sans fournir aucun justificatif pour caractériser lesdits défraiements et indemnités, la cour d’appel a dénaturé par omission le contenu précis des factures régulièrement produites aux débats, en violation de l’article 1134 du code civil.

Décision attaquée : Cour d’appel d’Amiens , du 21 avril 2015